La Bataille de JERSEY

Dans le cadre du disque de chants produit par la Fédération Folklorique Normandie Maine, j’ai proposé ce chant qui retrace l'histoire de l'attaque de JERSEY par une petite troupe française. Elle a été retrouvée sur GRANVILLE, mais l’histoire véritable de la bataille est beaucoup moins glorieuse.

Cette attaque avait déjà été précédée en 14061 avec la prise de Jersey par Hector de Pontbriand d’après Frédéric Joüon Des Longrais5

La ville de Saint-Malo avait pourtant beaucoup à souffrir des bateaux armés en course par l’Angleterre à Jersey et l’on évalue à 300 le nombre des bateaux français qui avaient été capturés par les Anglais dans le cours d’une seule année.

Dans le mois de mai 1779, une tentative infructueuse avait été faite par le prince de Nassau, commandant un corps de 5 à 6 000 hommes, et qui ne put débarquer, ni dans la baie de Saint-Ouen, ni dans celle de la Brelade.

Une nouvelle expédition avait donc été décidée sous Louis XVI, en conseil secret des ministres, et Saint-Malo avait consenti à en supporter les frais. C’est là qu’intervient un illustre inconnu, baron de son état, qui prépare en 1780 la prise de Jersey.

Dans la nuit du 5 au 6 janvier 1781, le baron Philippe de RULLECOURT3, major-général des volontaires de NASSAU, sous promesse faite par Louis XVI d’être promu général, débarque à La ROCQUE dans la baie de GROUVILLE sans avoir été détecté, avec un groupe d’environ 1 000 hommes de la légion du chevalier de LUXEMBOURG. L’armateur des vaisseaux est un certain Pierre Joseph REGNIER de la ville de BLAINVILLE et l’un des captaines, corsaire du roi est Jean Louis Christophe REGNIER2 qui deviendra Général de brigade .

Pour s'aider, il profite d’une nuit de Fête « Old Christmas Night » pour tenter de s’emparer de St HELIER, capitale de l’île.

Malheureusement, il va jouer de malchance, il perdra le contact avec au moins deux de ses navires et se verra donc priver d’une partie de ses troupes.

Cependant les français vont s’emparer sans grande difficulté du gouverneur (Moses CORBET) vers 8h00 du matin alors qu'il était encore dans son lit (Aujourd'hui le Manoir de la MOTTE) et le faire prisonnier. Mais leur victoire n’est que de courte durée car la garnison en place, menée par le Major PIERSON, qui y laissera d’ailleurs la vie, va très vite mener la vie dure aux français. Leur supériorité numérique ainsi que leur discipline va rapidement faire la différence et ce qui avait commencé dans l’allégresse va se terminer en déroute.

Le baron Philippe de RULLECOURT va lui aussi y laisser la vie.

L’exploit du Major PIERSON est relaté dans une ballade Jersiaise transcrite pour la première fois en 19074.




Mort du Major PIERSON par John Singleton COPLEY


Les belligérants

Britanniques

Français

Major PIERSON



Un peu plus de 2 000 hommes

Environ 30 tués ou blessés

Philippe de RULLECOURT


Environ 1 000 hommes

Environ 30 tués

Environ 600 prisonniers



Revenons maintenant à la chanson par elle-même, celle à la gloire des Français. Si vous lisez le livre « La vie quotidienne en Normandie au temps de Mme Bovary »7 écrit par André Guérin6, vous pourrez y lire une partie des paroles.

La plus ancienne publication trouvée remonte à 1907 dans le « Jersey Times Almanach Directory » avec l’histoire complète de cette bataille et a été rechantée par Serge Lelièvre dans le début des années 1990 à Hauteville sur Mer.

Le groupe Fécampois MAREE de PARADIS a composé la musique8 de sa version en s’appuyant sur les paroles retrouvées.

La partition jointe à ce texte est donc un assemblage de la version éditée par le CHASSE-MAREE9 (pour la musique) et celle de MAREE de PARADIS s’appuyant sur le texte mis au point par Serge Lelièvre (pour les paroles).


Paroles (Version « Marées de Paradis »):

Monsieur de Rullecourt dit à Regnier
Allons qu'on guinde les huniers
Vite qu'on charge nos bisquines
De tromblons et de carabines
Et mettons le cap sur Saint-Hélier - l'île de Jersey

Voilà que c'est la marée du soir
Pour la surprise faut qu'il fasse noir
Vite qu'on aiguise les haches
Et bonsoir le plancher des vaches
Et mettons le cap sur Saint-Hélier - l'île de Jersey

Nous voilà partis toutes voiles dehors
Nous n'avions qu'un canon à bord
Monsieur de Rullecourt dit pourquoi faire ?
Les canons c'est pas notre affaire
Sans ça nous prendrons Saint-Hélier - L'île de Jersey

Près de Saint-Aubin vers les minuit
Nous arrivâmes sans faire de bruit
Nous débarquâmes sur la plage
A deux cents gars comme un orage
Et nous voilà dans Saint-Hélier - L'île de Jersey

Les Anglais étaient dans leurs draps
On fit chez eux le branle-bas
Leur drapeau était leur drap rouge
Du sang coulait dedans leur bouche
Sans un cri on prit Saint-Hélier - L'île de Jersey

Et puis comme on apercevait
De la lumière en un palais
On se dit c'est la résidence
Entrons leur y flanquer une danse
On était maîtres dans Saint-Hélier - L'île de Jersey

Bonsoir Monsieur le gouverneur
Je suis votre humble serviteur
Si vous bougez vous êtes malade
Et je vous fiche dans la limonade
Si vous ne cédez pas Saint-Hélier - Au père Regnier

L'Anglais le prit dur et de travers
Remit sa culotte à l'envers
Et perdant la moitié de sa chemise
Il s'en fut jusqu'à la Tamise
C'est comme ça qu'on prit Saint-Hélier - L'île de Jersey

Les gars de Blainville et d'Agon
Vous pouvez chanter ma chanson
Et quand vous voudrez qu'on recommence
A faire entrer l'Anglais en danse
Rappelez-vous de prendre Saint-Hélier - L'île de Jersey




La Chanson de Peirson

Une bande de voleurs
Sont venus en fureur
Pour nous percer le coeur;
Sont sortis de la France,
Sans aucune connaissance,
Pensant prendre Jersey
Sans notre liberté.

Le Baron de Rullecour
Arrive au point du jour –
Sans flute ni sans tambour.
Arrivé sur la place,
Nous faisant des menaces
De brûler nos maisons
Si nous ne nous rendions.

Le Gouverneur surpris
Son épée lui rendit;
Allons! Messieurs, dit-il,
A la Maison de Ville
Nous serons plus tranquille,
Et puis nous y ferons
Capitulation.

Après avoir capitulé
Au Château faut aller!
Venez, Monsieur Corbet,
Le Château loin s'y rendre
Voulut bien s'y défendre –
Tire un coup de canon
Pour saluer le Bourbon.

Pendant tout ce temps-là
Tous nos braves soldats
S'assemblaient à grands pas
Avec notre Milice-
Braves gens de cette Ile,
Qui se sont rassemblées
Pour les exterminer.

Puis au Marché arrivée
La bataille s'est livrée –
Les Jersiais ont gagné!
Ont tué leur Général,
Plusieurs de sa cabale –
Soldats et officiers
Sont rendues prisonniers.

Nous eûmes le malheur
De perdre un homme de coeur
Tout rempli de valeur;
Ce fut Major Peirson –
Ce brave gentilhomme –
Qui est mort pour son Roi,
Tout couvert de lauriers.

- 1 D’après les chroniques Jersiaises : https://www.theislandwiki.org/index.php/%27%27Le_Victorial%27%27_and_the_attack_on_Jersey_in_1406 et le site spécifique à cette bataille https://www.historyalive.je/tours/medieval-jersey-castles-battlefields-tour/site-of-battle-1406-battle-pero-nino/

- 2 Jean Louis Christophe Régnier, né le 22 juillet 1742 à Valognes (Manche), mort le 7 mai 1802 à Mézières (Ardennes)

- 3 Philippe Charles Félix Macquart, chevalier, seigneur de Rullecourt (1744 – 1781)

- 4 Peirson’s ballad d’après Badlabecques en patois jersiais (Utilisez le QRCODE pour écouter la chanson)

- 5 Frédéric Joüon Des Longrais (1841-1918)

- 6 André Guérin (1899-1988) journaliste Français

- 7 livre publié en 1975 chez Hachette et prix Albéric-Rocheron

- 8 Album « Quai de l’Isle »

- 9 Recueil édité en 1999 : cahier de Chants de Marins Mer du Nord et Manche